3. les étapes de la procédure Dublin

  • La procédure de saisine de l’Etat considéré comme responsable et sa réponse

A compter de l’enregistrement de la demande d’asile, le préfet dispose d’un délai pour saisir les autorités de l’État qu’il estime responsable. Si ce délai n’est pas respecté, les autorités françaises deviennent responsables de la demande d’asile (articles 21.1 ; 23.3 et 24.3 du Règlement).

Qu’il s’agisse d’une demande de pris en charge ou d’une demande de reprise en charge, les délais de saisine sont de :

  •       2 mois en cas de résultat positif Eurodac (« hit »)
  •       3 mois sur la base d’autres informations qu’Eurodac

La réponse de l’Etat considéré comme responsable doit intervenir dans le délai :

  •      1 mois dans le cadre d’une prise en charge
  •      15 jours en cas de « hit » ou 1 mois sur la base d’autres informations dans le cadre d’une reprise en charge

Si l'Etat requis ne répond pas, son silence vaut acceptation implicite qui intervient à la date d'expiration du délai de réponse.

Si la durée de saisine et de réponse ne doit pas dépassée les délais, la procédure d’échange entre les autorités françaises et l’Etat européen estimé responsable est plus ou moins rapide selon les préfectures et les Etats européens saisis.  

Dans tous les cas, il est rare que le demandeur soit informé des étapes de la procédure par la préfecture (date de la saisine par les autorités françaises et de la date et du sens de la réponse de l’Etat requis). Ces informations ne sont généralement délivrées que dans la décision de transfert, le jour de sa notification.

Pendant la procédure de saisine, certaines préfectures délivrent, à date régulière, des convocations. D’autres invitent les demandeurs à se présenter à l’expiration de leur attestation de demande d’asile et délivrent une convocation après l’acceptation de l’Etat requis pour notifier la décision de transfert.

En cas de doute sur le respect des délais de saisine par une préfecture, il est toujours possible pour le demandeur de solliciter la consultation de son dossier en préfecture au titre des articles L. 311-1 et L. 311-3 du code des relations entre le public et l’administration.

  • La notification de la décision de transfert

En cas d’acceptation explicite ou implicite de l’Etat requis, le demandeur se voit notifier une décision de transfert auprès des autorités de l’Etat responsable. Il s’agit d’une décision d’éloignement prise par le préfet (article R. 742-1) qui peut être assortie d’une mesure de surveillance (assignation à résidence ou placement en centre de rétention).

La notification de la décision est entourée de garanties considérées comme une garantie essentielle par les juridictions administratives.

La décision doit être motivée en fait et en droit et contenir conformément à l’article 26 du Règlement :

-          Les informations sur les voies et délais de recours dans une langue que le demandeur comprend (dans le cas contraire, les délais ne sont pas opposables : CAA Lyon, 26/01/2016, n°15LY03058)

-          Les indications de délai relatives à la mise en œuvre du transfert (CAA Bordeaux, 12 mars 2009, N°08BX00063)

-          Si la préfecture indique que la personne doit se rendre auprès des autorités responsables par ses propres moyens, elle doit informer du lieu et de la date à laquelle elle doit se présenter auprès d’eux (CAA Nantes, 2 octobre 2009 N° 08NT02355)

 

En pratique, les préfectures notifient la décision de transfert par voie administrative (en personne au guichet de la préfecture). Elle peut également être notifiée par voie postale ; Dans ce cas, la décision de transfert ne pourra être assortie d’une mesure de surveillance.

Selon l’article 29-1, les modalités de transfert sont au choix de l’Etat membre :

-          Transfert à l’initiative du demandeur : dans ce cas, un laissez-passer est délivré au demandeur. Sa validité est souvent d’un mois. A l’expiration de ce délai, la préfecture informe qu’elle pourra exécuter « de force » la décision de transfert.

 

-          Transfert avec départ contrôlé : Le demandeur est accompagné par la police jusqu’à l’embarquement où un laissez-passer lui ait remis. Certaines préfectures remettent au demandeur (ou font remettre par la police) un routing (informations sur le lieu et l’heure du vol) en invitant à se présenter à la police aux frontières de l’aéroport qui l’accompagnera jusqu’à l’embarquement.   

 

-          Transfert sous escorte : Le demandeur est reconduit par la police durant le transport jusqu’à la remise aux autorités de l’Etat responsable sur son territoire. C’est le cas des demandeurs interpellés (en préfecture ou dans la rue à la suite d’un contrôle de police) et placés en centre de rétention administrative avant leur transfert.

 

  • Le délai de transfert

Les autorités françaises ont l’obligation de respecter un délai pour transférer le demandeur auprès des autorités responsables (article 29). Si ce délai n’est pas respecté, elles deviennent responsables de la demande d’asile.

En principe, ce délai est de 6 mois et part à compter de la date d’acceptation de l’État responsable ou, en cas de recours, à compter du jugement de rejet de la juridiction administrative.

Mais, ce délai de transfert peut être prolongé par la préfecture de :

-          De 6 mois (12 mois au total) en cas d’emprisonnement du demandeur

-          De 12 mois (18 mois au total) en cas de fuite du demandeur

 A l’expiration du délai de transfert, les autorités françaises deviennent responsables de l’examen de la demande d’asile (29-2) et doivent permettre au demandeur de voir sa demande d’asile examiner en France.

 

Attention ! En cas de recours contre la décision de transfert, le délai de transfert de 6 mois redémarre à compter de la date du jugement de rejet ou, en cas d’annulation et d’appel de la préfecture, à compter de la décision de la Cour Administrative d’Appel.

Dans l’hypothèse où la préfecture fait appel du jugement du tribunal annulant la décision de transfert, le demandeur est « bloqué » en procédure Dublin jusqu’à la décision de la Cour d’Administrative d’Appel. Il n’a, toutefois, pas de risque d’arrestation et doit continuer à percevoir ses droits aux conditions matérielles d’accueil.

 §  La situation de fuite

Le délai de transfert peut être prolongé pour 12 mois supplémentaires (soit 18 mois au total) si la personne a pris la fuite.

Cette notion de fuite n’est pas explicité par le règlement mais la jurisprudence du Conseil d’Etat en a donné une définition : la soustraction systématique et intentionnelle à la mesure de transfert ( CE, 18 octobre 2006, n°298101)

Dans cette décision d’octobre 2006, le Conseil d’Etat a jugé que l’absence à une convocation, si elle était un indice, ne permettait pas de considérer la personne en fuite. En revanche l’absence à trois convocations était un élément pour caractériser la fuite (CE, 17 juillet 2007, N°307401)

En 2010, une évolution est intervenue : si la convocation mentionne explicitement la volonté d’exécuter la mesure et que la personne ne s’y rend pas par deux fois ou s’y présente sans ses enfants la fuite est caractérisée (CE, 31 décembre 2009, N° 335107 et  CE, 19 novembre 2010, N°344372)

Cependant, l’absence à une convocation si le préfet sait où se trouve la personne qui s’est manifestée de nouveau auprès de lui ne peut être considérée comme fuite (cf. CE, 12 aout 2011, N° 351516).

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