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Les principaux rapports annuels sont publiés dès le premier semestre. Eurostat a détaillé les protections accordées en 2016 en Europe et l’octroi de la nationalité (en 2015). En France, la Cour nationale du Droit d’Asile (Cnda) avait présenté fin janvier son rapport sur 2016 ; l’Office Français de Protection des Réfugiés et Apatrides – Ofpra – sort le sien avant les élections, après l’Office Français d’immigration et d’Intégration – OFII. 


 

Le Rapport d'activité de l'OFPRA - 2016

L'Office Français de protection des Réfugiés et Apatrides (OFPRA) décrit une demande d'asile en France en hausse au regard de 2015 (+ 5 % ; ou + 7% ré-examens inclus), avec 85 726 demandeurs dont 63 935 primo-demandeurs adultes (+ 8 %), 14 436 mineurs accompagnants (- 5 %) et 7 325 réexamens (+ 31 %).

Le rapport ajoute des détails nouveaux cette année, notamment sur les mineurs accompagnants, voire isolés (l’annexe 5 les répartit même par nationalité, demandes et décisions : 67,5 % d’accord à l’Ofpra).

La nouveauté vient aussi de l’incidence des mesures introduites par la loi de juillet 2015 : ainsi la possibilité de se faire accompagner lors de l’entretien : (873 demandeurs en ont bénéficié) mais aussi le traitement accéléré pour 38,8 % des demandes (le record des traitements « prioritaires » était de 33 % en 2012 et 2014).

Cartographie établie par la Cimade

La Cimade a cartographié les répartitions : la mise en procédure accélérée (PA = en bleu pour les 1ères demandes et en jaune pour les ré-examens) par les préfectures agréées semble très aléatoire, mais cela dépend aussi des nationalités d’origine (pays d’origine sûr ou non) ou du refus du relevé d’empreintes.

L’Ofpra peut changer la procédure : 313 dossiers ont ainsi été accélérés et 51 reclassés en « normale ».

  • Les incidences de cette mesure sont un traitement plus rapide à l’Ofpra et surtout en recours (CNDA) avec un seul juge 
  • Le délai moyen de décision à l’Ofpra serait réduit à 183 jours (contre 216 jours en 2015), mais comme de nombreux dossiers ont un traitement accéléré (en 98 jours, voire 34 jours en réexamen et 4 en rétention), la moyenne pour les 61 % de la procédure « normale » atteindrait 220 jours ½ (mais, parmi ces derniers aussi, les Syriens et Irakiens ont une réponse bien + rapide !) ; sans parler des délais « cachés »… pour obtenir le formulaire de l’Ofpra.
  • Les demandes d’asile en frontière qui avaient chuté sous la barre des 1 000 en 2015 (contre 10 300 en 2001 !) stagnent à 900 demandes et l’Ofpra n’a donné un avis favorable pour entrer en France que dans 20 % des cas !
  • La France redevient le 3ème pays d’accueil en Europe avec un total de 85 700 demandeurs où la demande globale a baissé de 5 %. Mais, selon Eurostat, elle est au 12ème rang au regard du nombre d’habitants !

  • Dans les principaux pays d’origine des adultes primo-demandeurs en 2016, 3 sont des pays où sévissent des conflits armés : le Soudan en tête, l’Afghanistan ensuite (avec + 166 %) et la Syrie au 5ème rang. S’intercalent Haïti en 3ème rang (+ 62 %) et l’Albanie (+ 105 %) .
  • À noter la chute des demandes (- 51 %) en provenance du Kosovo, voire du Bangladesh et de la Russie. Le Sri-Lanka qui a longtemps été dans le top 10, s’illustre maintenant pour les demandes de ré- examen, + nombreuses que les premières demandes.
  • Le taux de protections a bondi en 2016 à 38 %. Ce taux est néanmoins encore l’un des plus faibles de l’Union Européenne. La cause de la hausse provient des décisions plus nombreuses sur certaines nationalités (Soudan, Syrie, Afghanistan) et pas d’une mansuétude plus grande de l’Office ou de la Cour Nationale ni d’une harmonisation entre pays UE. 

 

  • Les chiffres des victimes du règlement « Dublin » ne proviennent pas du rapport OFPRA puisque l’Office ne se charge pas des personnes placées en procédure Dublin.
  • Le Ministère de l’Intérieur les estimait à 22 500 sur 2016, dont 4 600 mineurs, et les ajoute pour totaliser 97 300 primo-demandeurs, mineurs inclus.
  • La proportion des femmes isolées dans la demande continue sa baisse à 33 % : les motifs les plus souvent avancés sont spécifiques (violences domestiques, traite des êtres humains, mariage forcé et risques d’excision), ces derniers motifs pesant sur la baisse de l’âge moyen des demandeurs (31 ans contre 33 en 2014 et 2015).
  • Les taux de protection reconnus par l'Ofpra évoluent selon les pays d’origine entre 3,4 % pour les Haïtiens et 97,3 % pour les Syriens, voire Burundais et Yéménites (94 %)

Rapport d'activités de la CNDA

Comme l’Ofpra, la CNDA affiche une activité record avec un nombre inédit de recours (40 000) et de décisions (43 000).

En 2016, la proportion des recours atteint 81 % des rejets de l’Ofpra, en baisse de 5 à 6 points par rapport aux années 2012-2014.

La répartition par nationalité montre aussi des changements vis-à-vis de l’an passé, surtout en fonction du nombre des demandeurs et bien sûr des taux de protection de L'OFPRA : Haïti par exemple, mais a contrario, l’Irak n’est pas dans les 30 premiers pays d’origine…

Notons que la CNDA comme l’Ofpra conserve au demandeur la nationalité qu’il déclare même si cette nationalité est manifestement empruntée (contrairement à d’autres pays de l’UE). 

 

La loi du 29 juillet 2015 transforme son activité avec 2 changements majeurs : des délais pour statuer, limités à 5 mois en procédure normale et 5 semaines dans les procédures accélérées et pour ces dernières un jugement par un juge unique, au lieu de 3 juges.

Sur les 42 968 décisions prises, seulement 16 % (7 012) étaient des recours « à 5 semaines », beaucoup de recours déposés antérieurement n’entraient pas sous le coup de cette loi.

Quelle que soit la procédure du dossier, la Cour conserve la possibilité de délibérer par ordonnance lorsque le président habilité le décide : ce sera ainsi le cas de 23,7 % des décisions rendues, dont 2,9 % pour non-lieu, désistement ou irrecevabilité et 20,8 % pour dossier « vide » (= le texte du recours n’ajoute aucun élément pouvant contester utilement le refus de l'OPFRA) : 10 201 recours ont ainsi été jugés sans audience. Des chiffres très supérieurs à ceux de 2015 : 7 344 rejets par ordonnances au total, soit 20,4 % des recours contre 20,7 % en 2014.

L’objectif de la loi était d’accélérer la procédure et les délais moyens constatés (DMC) qui sont de fait descendus légèrement sous les 7 mois, soit 8 jours de moins qu’en 2015, 35 jours de moins qu’en 2014 et 2 mois de moins qu’en 2013. Les dossiers en procédure accélérée (dits « recours à 5 semaines ») ont été quant à eux jugés en moyenne sous … près de 3 mois.

Le rapport indique que 86 % des requérants avaient un avocat en 2016. Pour sa part, le Bureau d’aide juridictionnelle (BAJ) a enregistré 30 000 demandes d’Aide (AJ), qui sont maintenant de plein droit, sauf si le dossier est manifestement irrecevable (3,8 % des cas en 2016).

Avec 6 517 décisions de protection, la CNDA a annulé 15,2 % des refus de l'OFPRA pour lesquels elle a été saisie ; en retirant les recours jugés sans audience, elle avance même le chiffre de 20 %, soit légèrement en hausse par rapport à 2015.

Mais tout comme l’Ofpra, c’est le type de protection qui diffère et marque un changement non négligeable de politique puisque 2006 protections à la CNDA, soit 31 %, sont une simple protection subsidiaire, ce qui porte à un total global (OFPRA + CNDA) de Protection Subsidiaire à 36,5 % des protections, soit 10 points de plus que le record antérieur en France !

 

 

 

FOCUS SAISINE DU CONSEIL D'ETAT

Bien des déboutés étant tentés de poursuivre en appel, le rapport de la CNDA indique l’issue des saisines du Conseil d'État sur ces 4 dernières années (p. 10) ; en 2016, le C-État a été saisi pour 847 affaires, dont 14 par l'OFPRA et 833 par des individuels. Sur les 788 décisions rendues en 2016, seuls 26 pourvois ont été admis pour avoir une suite ; sur les 21 dossiers examinés, 16 ont donné raison au demandeur, en partie ou en totalité. Le cumul sur ces 4 ans (2013-2016) s’établit à 2 934 affaires enregistrées et 99 décisions favorables aux demandeurs.


 

Rapports européens Eurostat

  1. 710 000 protections accordées en 2016 en Europe

Après son rapport sur les demandes d’asile enregistrées en Europe pendant l’année 2016 (publié en mars 2017), Eurostat fait le point sur les décisions et les protections accordées : en 2016, sur plus de 1,1 M. de décisions de 1ère instance, 673 000 ont reçu la protection (61 %), et les 221 000 décisions de recours en ont ajouté 38 000.

Les protections octroyées sont plus du double de celles de 2015 en nombre (333 000 protections en 2015, dont 26 000 en recours) avec un taux d’accord lui aussi en hausse (52 % en 1ère instance en 2015).

Les statuts de réfugié constituent un peu plus de la moitié (55 %) des décisions positives, tandis que 37 % sont des protections subsidiaires et 8 % des autorisations humanitaires.

Cette répartition entre les protections montre une certaine forme de précarisation croissante : en 2015, 74 % des décisions positives étaient des statuts de réfugiés, 18 % une Protection subsidiaire et 8 % une autorisation humanitaire).

Sur les 710 000 protégés, 406 000 étaient Syriens (57 %), 66 000 Irakiens et 62 000 Afghans (9 % chacun) devant l’Érythrée (5 %). Les Syriens protégés sont la 1ère nationalité protégée dans 19 des pays mais 7 sur 10 le sont en Allemagne. Sept nationalités (+ les apatrides) ont obtenu + de 50 % de protection en 1ère instance : Syrie (98 %), Érythrée (92,5 %), Somalie (66 %), Irak (63,5 %), Afghanistan (57 %), Iran (52,5 %) et Soudan (52 %). Parmi les États de l’UE, la France est en 4ème position pour le nombre de décisions (derrière l’Allemagne, la Suède et l’Italie) mais en 17ème pour les protections accordées par million d’habitants.

 

        2. L’octroi de la nationalité en 2015 en Europe

Eurostat a fait le point sur l’octroi de la nationalité d’un des pays de l’Union :

2015 a vu une baisse des naturalisations : 840 000 personnes ont acquis la nationalité d’un État membre de l’Union européenne, soit 50 000 de moins qu’en 2014 et 140 000 de moins qu’en 2013.

Parmi ces nouveaux naturalisés dans l’un des États membres, 87 % n’étaient pas citoyens européens auparavant et le sont donc devenus.

Le Top 7 : 86 100 Marocains (88% sont devenus italiens, espagnols ou français), devant 48 400 Albanais (dont 96% sont devenus italiens ou grecs), 35 000 Turcs (56% sont devenus allemands), 31 000 Indiens (dont 60% ont obtenu la nationalité britannique), 28 400 Roumains (la moitié sont devenus italiens), 26 300 Pakistanais (dont la moitié sont devenus britanniques) et 22 500 Algériens (plus des 3/4 sont devenus français).

Par ailleurs, 28 400 Roumains et 17 800 Polonais ont obtenu la nationalité d’un autre État membre. Les pays ayant le plus octroyé leur nationalité sont l’Italie (178 000, soit 21 % du total de l’UE-28), le Royaume Uni (118 000 soit 14 %), l’Espagne (114 400) et la France (113 600) soit 14 %, devant l’Allemagne (110 100).

Mais en proportion par milliers d’habitants, le Luxembourg arrive en tête de l’Union devant la Suède. En 6 ans (2010 à 2015), environ 5,1 millions de personnes au total se sont vu octroyer la nationalité d'un État membre de l'UE. Pour mémoire, l’Union comptait 510,3 M. d’habitants, début 2016.

 

Sources : Rapports d'activités 2016 de l'OFPRA la CNDA et Eurostat + Analyses tirées du JH d'avril 2016 par J. HAFFNER

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